Face à des IA de plus en plus performantes, les compétences émotionnelles seront de plus en plus recherchées chez les dirigeants.
Vous pensez que l’ogre intelligence artificielle (IA), à terme, dévorera l’intelligence humaine. Cette perspective vous inquiète autant qu’elle vous fascine. Les études au sujet de l’impact de IA sur le monde du travail prolifèrent et alimentent parfois cette inquiétude. Rares sont celles, cependant, qui soulignent la complémentarité des trois types d’intelligences que tout leader devra savoir combiner dans un futur proche : intelligences émotionnelle, artificielle et collective.
Inutile de lutter, la machine bat déjà l’homme dans plusieurs domaines. Dans la santé, la start-up Arterys propose de détecter en une seconde les contours cardiaques suspects que le radiologue mettrait plusieurs minutes à identifier en observant minutieusement la radiographie. Dans la banque, l’IA d’IBM nommée Watson déleste les conseillers client des tâches rébarbatives comme répondre aux e-mails et délivre sous six heures des autorisation de crédit contre 24 heures auparavant. Dans l’automobile, la Concept-I de Toyota détecte les émotions apparaissant sur le visage du conducteur pour en déduire son état de stress ou de fatigue et lui suggérer une pause.
L’utilisation de ces IA offre des gains de précision, d’efficacité, de sécurité et de temps passé avec le client ou le patient. Mais l’un des domaines d’application les plus avancés de l’IA concerne la prise de décision. Demain, quand il s’agira de décisions hautement stratégiques, l’IA sera-t-elle plus performante que le jugement humain, en proie aux doutes et aux biais cognitifs ?
L’IA, un allié précieux dans la prise de décision
Sursollicité, le cerveau d’un dirigeant peut vite faillir dans son jugement ou mal arbitrer face aux dilemmes. La machine, une fois entrainée, évaluera précisément les conséquences des choix, puisqu’elle l’aura fait des milliers de fois, sans biais. L’IA, à condition d’être utilisée en complément d’une analyse humaine, sera un allié précieux dans la prise de décision. Prendre de meilleures décisions est d’ailleurs l’avantage numéro deux de l’IA cité par les dirigeants, derrière l’amélioration des produits. Marc Benioff, le P-DG de Salesforce, consulte déjà en comité de direction hebdomadaire une IA appelée Einstein, ce qui lui permet de faire face à la masse de données en jeu et de contourner la rétention d’information dont peuvent faire preuve certains cadres de l’entreprise.
Demain, qu’est-ce qui empêchera un robot d’être plus performant qu’un dirigeant en chair et en os ? « Dans 30 ans, la une du Time sur le meilleur P-DG de l’année pourrait très bien être consacrée à un robot. Il a une meilleure mémoire que vous, il compte plus vite et il ne s’énerve pas face aux concurrents », a ainsi prédit Jack Ma, le fondateur d’Alibaba.
Si le cerveau d’un dirigeant ne peut rivaliser avec les capacités vertigineuses de mémorisation, de calcul et de diagnostic d’une IA, que lui restera-t-il pour justifier son rôle ? Sûrement « l’intelligence du cœur », impossible, à ce jour (et pour longtemps, espérons-le) à programmer. Ce sont donc bien les compétences socio-émotionnelles que le leader devra développer dans son organisation pour compléter le travail des machines.
Selon le McKinsey Global Institute, ce sont les compétences émotionnelles qui seront les plus mobilisées à l’horizon 2030 (+24% par rapport à 2016), derrière les compétences technologiques (comme la programmation informatique, le codage, l’expertise en robotique…). Ainsi, la main-d’œuvre du futur devra davantage prendre des initiatives, prendre soin des autres, négocier, se doter de compétences interpersonnelles et d’empathie, avoir le sens du leadership, apprendre en continu etc.
En revanche, 76% des salariés interrogées par BCG Gamma redoutent que le développement de l’intelligence artificielle n’engendre davantage de contrôle et de surveillance sur leur lieu de travail et 65% estiment qu’elle déshumanisera le travail et détériorera le lien social.
C’est ce que pourrait légitimement redouter les salariés du secteur bancaire. Avec l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, les banques de détail estiment que les trois quarts de leurs collaborateurs vont changer de métier dans les cinq ans à venir et que ces derniers seront davantage centrés sur l’animation des équipes et la satisfaction des clients. Les compétences relationnelles deviennent donc essentielles puisque inaccessibles (pour l’instant) à l’IA. Il est donc vital d’en renforcer la formation. Face à l’ambiguïté ou le subjectif, là où il faudra faire preuve d’intuition, de créativité, d’imagination, de pensée conceptuelle et de sens commun, l’humain devra jouer pleinement son rôle, aux côtés des machines.